Forum Social Européen – Malmö – Suède – du 17 au 21 septembre – an 8. Le bilan est lourd. Peu de monde, peu de lieux de rencontres et d’échanges. Le forum s’est déroulé aux micros des tribunes. Mais à côté, en face, un forum autonome.
Les forums sociaux sont en perte de vitesse. L’organisation attendait trente mille personnes. De dix à quinze mille seulement ont assisté aux conférences, ateliers et centaines de rendez-vous cultureux (concerts, soirées, etc.). Le prix du trajet pour le sud de la Suède en aura sûrement découragé plus d’un.e. Ajouté à la dispersion des sites en ville, Malmö n’a jamais pris le rythme de l’événement qu’elle accueillait. L’organisation était un peu chaotique : traductions payantes non assurées [1], hébergement lointain, peu de places dispos pour assister aux conférences, etc. Mais surtout, vingt euros le pass, contrôles insistants à l’entrée de chaque lieu et bouffe industrielle. Un forum altermondialiste ?
« Activisitor » et/ou passivisitors
Les pancartes le disent : à Malmö on est activisitor . Et c’est bien en tant que visiteur qu’on assiste aux « conférences-débats », où l’on écoute les intervenant.es enchaîner les cours magistraux. Un débat sur la précarité et le chômage se transforme en monologues de représentant.es syndicaux français et italiens. Un catéchisme altermondialiste vu et revu depuis dix ans. Le débat sur les médias, c’est cinq journalistes face à trente personnes. Chacun montre son journal et sa façon d’analyser l’empire médiatique. Parmi eux, Le monde diplo et Yes, un magasine anglais qui se bat « pour construire un monde plus juste ». Le tout nourri d’applaudissements béats et d’autosatisfaction à propos de la diversité des interventions. Quid des échanges sur les pratiques concrètes de lutte ? Quid de la participation, de la discussion ? Trois questions en fin de conf’ et c’est torché. À Malmö, on est surtout passivisitor.
Alter…natif
Pour fuir ces hauts lieux de la démocratie trop apaisée, il fallait se rendre dans le centre social autogéré. Un infokiosque, de la bouffe freegan à prix libre, des débats qui reprenaient certaines des thématiques officielles mais s’organisaient en discussions collectives, groupes de paroles. Une discut’ autour des squats suédois, une AG des collectifs « Euro MayDay », pour échanger sur les pratiques de lutte de chacunE, sur les contextes locaux… Et puis il y eut la rue. Une première manif contre l’Europe forteresse, la criminalisation de l’immigration et l’enfermement. Un blocage de route au nom du Klimat Krash. Et parce qu’il ne s’agissait pas de quémander quoi que ce soit, et que « La rue, ça se prend », une street party concluait le forum autonome. Autour de deux camions disco-punk, les vitrines des banques tombaient au son de « Breaking the Law » des Judas Priest ou d’un bon vieux « U can’t touch this » de MC Hammer. Confettis et pierres qui volent n’étaient pas sans créer un peu de confusion chez les citoyens s’inquiétant de « l’intérêt » ou de « l’image » de ces actions, ou chez 2-3 stals pour qui la révolution, « c’est pas pour maintenant » (sans blague !). Des cortèges faits de Black et de Block qui dansent sur de la Tek… ça claque. Et quand il s’agit de faire front, les rangs se serrent entre les banderolles. Ainsi protétégés, les encapuchonné.e.s usent d’une violence tournée vers les symboles du Capital. Banques, fournisseurs d’énergie, magasins de fringues fabriquées dans le tiers-monde ou publicités sont systématiquement et soigneusement remis à leur place : à terre et en mille morceaux. L’organisation est minutieuse. En face, les flics en chasuble « Dialog Polis », ou les Robocop ne bronchent pas. Ici, l’Etat est à l’avant-garde de la pacification et de la dénégation des rapports sociaux conflictuels.
Another FSE was posible
Bref, le FSE officiel est devenu un lieu de rencontres de militant.es professionnels cherchant à grossir leurs carnets d’adresses pour faire converger les luttes par le haut. Si certain.es le considèrent encore comme un lieu irremplaçable pour construire une alternative et un programme politique, il est aujourd’hui clair qu’il est tout sauf un lieu d’échanges pour les bases militantes. Another FSE was possible !
[1] En fin de forum, des traducteurs non payés, non défrayés, non logés s’en sont pris au comité organisateur. Des vitres ont volé en éclat.
Texte : Tonio & tomjo [paru dans La Brique n° 10, article augmenté]
Les photos sont toutes issues de la Street Party.