1er et 2 avril 2009. Les 20 plus grands de ce monde se réunissent pour discuter de l’avenir d’un modèle civilisationnel au bord du gouffre. Mis à mal par la chute de confiance transnationale et trans-classe qui affecte l’économie mondiale, c’est en grande pompe que nos chefs d’état nous ont rejoué le spectacle du « On gère, ne vous inquiétez pas ».
Du côté de la rue, un autre spectacle. Tout aussi spectaculaire. Peut-être un peu moins futile. De toute l’Europe, des dizaines de milliers d’individus ont afflué dans la capitale londonienne pour protester contre une mayonnaise politique qui ne prend plus : « Nous ne paierons pas leur crise ! ». Derrière le slogan unanimement déclamé « who’s street ? OUR street ! », la rue vient dire à nos représentants qu’elle n’attend plus rien de leur représentation. Qu’elle n’y croit plus.
Les moyens pour faire régner l’ordre sont sans précédent. « C’est un challenge jamais égalé pour la police anglaise », pouvait-on lire dans les journaux. Le maintien de la sécurité coûtera la modique somme de 7 millions de pounds. Londres est en état de siège. Les lois antiterroristes s’appliquent partout et sans limite – ce qui signifie que la police a carte blanche, puisqu’on est tous terroristes potentiels. Tout est permis, pourvu que rien n’entache le banquet. 10.000 policiers quadrillent la ville, on déploie les chevaux, les hélicoptères. Des dizaines de manifestants subiront des violences gratuites.
Face aux escadrons de l’ordre, une masse de journalistes sont venus du monde entier témoigner de la violence qu’on attend comme un spectacle qui fera recette. Chaque fois qu’un manifestant entreprend un acte, des milliers de vautours parés de « cailloux » chaque fois plus impressionnants se ruent sur l’acteur, gênant fortement son jeu d’ailleurs, pour shooter l’image spectacle qui servira d’illustration au grand mensonge médiatique. Je suis mal à l’aise.
A Bank le mercredi, l’essence de la tactique policière anglaise s’exprime jusqu’à atteindre sa limite la plus violente : la mort d’un manifestant. Cette stratégie bristish, appelée le « kettling », consiste à entourer une manifestation, en bloquant toutes les sorties pendant des heures, et empêcher les manifestants de sortir. Un hélicoptère survole constamment la manifestation pour en surveiller le mouvement. Ce jour-là, les manifestants sont séquestrés jusque 9h du soir, puis relâchés un par un, après avoir été fouillé, contrôlé et photographié. Quelques vitrines de banques éclatent cependant autour de Bank. Plus tard, on apprend qu’un mec est mort pendant la manif. « Crise cardiaque », « mort naturelle » titrent les médias. La confusion règne autour des circonstances de cette mort, mais pour beaucoup de monde, une chose est claire : l’homme est mort des conséquences, directes ou indirectes, du kettling. « Encerclé par la police pendant 6 heures, sans eau, sans nourriture, et puis il tombe. Faites vos propres conclusions », pouvait-on lire sur le mur de condoléances qui s’installe le lendemain.
Pendant ce temps, le climat camp s’installe sur Bishopsgate. Un camp pacifiste, agréable, où l’on trouve le repos et où l’on peut festoyer autour de petits ateliers. Malgré leur non-violence, les participants du climat camp ne couperont pas à la répression. Le soir même, le camp est délogé de sa rue manu militari par des autorités fermement décidée à passer à tabac toute forme de contestation.
Au centre de convergence, la nuit est tranquille. On essaie d’envisager une tactique pour se défendre en cas d’assaut policier. Beaucoup pensent que le squat restera ouvert : en Angleterre, le squat est (était….) protégé par la loi. Le lendemain, jeudi, c’est un peu plus confus. Rien n’a vraiment été organisé et les activistes semblent épuisés par la journée de la veille. Une manifestation antimilitariste à Excel est contenue sur une place destinée à cet effet. On envisage une autre manifestation à Bank, en soutien au mec qui est mort. Mais on nous rejoue le coup du kettling, c’est l’épuisement. Pendant ce temps, la police achève violemment le mouvement de protestation, en expulsant par une violence incroyable 2 squats où s’organisaient les militants. Le convergence center, notamment, est pris d’assault à coup de bélier par 300 flics armés de taser qui vocifèrent pendant 15 minutes aux squatteurs, absolument désarmés et à terre, de ne pas bouger. A Rampart, on fait de même et des squatteurs sont passé à tabac gratuitement. Tout le monde est fiché et fouillé. Puis, certains sont relâchés, d’autres embarqués.
Séquestrés, expulsés, arrêtés, tabassés, tel a été le sort de tout individu venu exprimer son désaccord par la rue lors de cette rencontre au sommet. Autoritarisme et déni de la liberté d’expression sont les nouveaux mots d’ordre d’un système politique en crise qui use désormais de la violence et du mensonge pour retarder sa chute.
A lire :
Une analyse politique du G20 par Rue89